mercredi 5 août 2015

Leurres de vérité

Associer aventureusement pêche à la ligne et vérité peut sembler, aux yeux du profane, comme une tentative audacieuse et orientée d'expliciter la théodicée traditionnelle du Raboliot rivulaire ronchonchon... Old school représente... Vous savez bien comment ils sont en général, hein, ces vieux flibustiers taciturnes, à l'oeil charbonneux sous les arcades sourcilières tautaveliennes, avec leur blair raviné par des décennies de cépages languedociens et qui ne sont capables de sociabilisation non contrainte qu'à condition de développer une tendance lourde à l'hagiographie personnelle sur fond d'alcoolisation débridée au comptoir du Chat qui pète, cet estimable estaminet... Alors que la nouvelle génération, la camarilla du QI d'huitre, la déferlante des analphabètes métrosexuels pour fête de village, elle, est plus encline à une mise en scène mythomaniaque débridée sur les réseaux sociaux ( attitude connue des chercheurs en tartarinade aquatique sous le nom de montée de teXtostérone^^)... En d'autres termes, plus prosaïques il est vrai, quelle que soit la place du quidam dans la pyramide des âges, pourquoi s'emm...S'embêter à penser qu'un pêcheur à la ligne ne puisse jamais être tenté d'embellir un tant soit peu ses récits, voire d'exagérer un tantinet le nombre et la taille de ses prises afin de s'assurer un avantage décisif dans le cadre du mesurage virtuel de zézettes que constitue, entre spécialistes, la moindre discussion portant sur les capacités halieutiques respectives, supposées et par là même totalement invérifiables, des protagonistes de ces discussions comprenant immuablement beaucoup plus de  queue que de tête ?

Cette année, allant peu à la pêche et évitant autant que faire se peut les happenings baroques des spots surpeuplés, je n'ai eu que de rares occasions d'échanger quelques menus propos avec d'émérites pêchouilleurs croisés au hasard de mes dérives. Heureusement. Car, avec une inquiétante constance, ils se sont tous avérés faire partie de la confrérie des pipoteurs de plein air... Sans aucune espèce de surprise, à force de hâbleries toutes plus hallucinatoires les unes que les autres, les taquineurs champêtres du goujeon ligérien ; qu'ils appartiennent à la confrérie des omniscients pousse-mégots du net, ces KVD de la dernière averse, ou à celle, plus rustique, des viandards de bistrot portant haut couperose et gaffe crantée ;  savent ne pas déroger à la tradition qui consiste à tenter de compenser avec un relatif brio leur scolarité médiocre, leur vie conjugale tragique et leur boulot merdique en claironnant au public de rencontre qu'ils empilent en toute simplicité et avec une régularité forçant le respect, des poissons à peine plus petits qu'un rorqual mangeant chaque jour au McDo sans jamais faire le moindre exercice physique...

Ah comme je les aime, ces joyeux sociétaires de l''académie des trompettistes, avec leur charisme de playmobil,  leur brushing de hobbit et leur inaltérable propension à prouver, avec un louable acharnement, à chacune de leurs tirades, péniblement ânonnées au mépris des efforts démesurés de générations d'orthophonistes tombées depuis longtemps dans la dépression nerveuse, que, non contents d'être des rase-bitumes de la rhétorique, ils sont à la quintessence de l'acte halieutique ce que la moto-crotte est à Easy Rider...  On les imagine trop facilement faire la clape, totalement convaincus, au meeting d'un politique quelconque, se répandre en considérations ethno-politico-sociales définitives au moindre fait divers, voire brailler, en une apothéose hollywoodienne, la chemise tachée de vinasse et le slip sur la tête, "le petit bonhomme en mousse" dans les brumes mélomanes de la fin du bal de mariage de leur cousin Kévin... Ils sont, quelque part, une synthèse^^... Un Zeitgeist à gourmette imperméable à l'auto-critique... Oui, je les apprécie malgré tout car ils me permettent à peu de frais de louer le Seigneur, Bernard Pivot et la génétique de ne pas avoir à traverser, à leur malheureux exemple, l'existence avec une tronche de mal-fini, une syntaxe d'animateur-télé et une cervelle d'amibe...
Rien que pour ça : changez rien, continuez et encore mille fois merci, les gars, d'illustrer avec panache la maxime de Sacha Guitry : "Quand je m'examine, je me désole. Quand je me compare... Je me rassure"...

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire