mercredi 9 août 2017

Apprentis sages (ou presque^^)

Le mois d'août, traditionnelle traversée du désert du pêcheur sportif (ou se considérant comme tel malgré tous les signaux négatifs que lui envoie son enveloppe corporelle), constitue l'occasion rêvée de prouver aux enfants de la famille qu'un adulte n'est pas seulement un type bizarre amateur de chanteurs morts, une source perpétuelle d'interrogation quant à la pertinence de ses choix vestimentaires ou pire un indécrottable nostalgique friand d'anecdotes footballistiques remontant à Mathusalem voire à Henri Michel ... Je sais que ce n'est pas évident à admettre quand on a 10 ans mais un adulte s'avère de temps à autres plus complexe à appréhender dans ses contradictions intrinsèques que ne le sont par exemple un sosie de Daniel Guichard gagnant chichement sa vie au hasard des thés dansant endiablés des maisons de retraite provinciales, un estivant quinquagénaire fringué comme Justin Bieber se la racontant sous sa moumoute sur le remblai de la Baule ou un type en survêtement vintage en polyester, aux bajoues encadrées de rouflaquettes très second Empire, claironnant à qui mieux-mieux dans son PMU attitré que "Neymar à côté d'Albert Gemmrich, c'est qu'une trompette métrosessuelle épicétou, remets-moi donc une Suze, tiens, Dédé".
L'adulte, parfois, c'est l'amer à boire. Ce qu'on peut admettre entre nous. Englué dans sa pathétique ambivalence d'enfant ayant mal tourné, tentant à grands renforts de picon-bière d'oublier qu'il attend la mort en redoutant l'interdit bancaire, l'adulte est multidimensionnel : contribuable angoissé, électeur de droite honteux (synonyme : socialiste) ou, dans les cas les plus graves (heureusement fort isolés), dangereux utopiste pariant sur les vertus de l'éducation, voire sur le potentiel qu'aurait la jeunesse d'améliorer les choses dans un avenir lointain... Une erreur tragique fréquemment renouvelée depuis le néolithique, hélas.
Je comprendrais toutefois qu'un public d'âge mûr ; que l'on sait désormais tout à fait capable de se livrer aux pires exactions comme suivre le Tour de France, écouter Céline Dion ou même considérer Emmanuel Macron comme un moindre mâle mal ; s'offusque aux exemples d'adultes que j'ai brièvement évoqués. En effet, l'adulte n'est pas que ridicule. Il peut aussi se révéler, avec une fréquence outrageusement élevée, dangereusement con. D'autant plus qu'il ne manifeste jamais de fatigue apparente quand il est décidé à le prouver au voisinage. Si l'adulte était vraiment, comme il aime à se décrire avec complaisance, si "responsable", pensez-vous, mes chers enfants, qu'on aurait inventées ces horreurs bafouant les lois fondamentales de la conscience humaine que sont la bombe atomique, le slip-kangourou thermolactyl et le gratin de céleri tous les mardis à la cantine ?
Bref, tout ça pour dire que les adultes, c'est comme les Miss France et les Mormons ou même les philatélistes et les arrières gauches ne jouant pas à l'Olympique de Marseille : il y en a des biens. Et je ne dis pas ça parce que cela va bientôt faire quarante ans que je ne peux plus bénéficier du menu-enfant au Flunch, hein... Je ne suis pas ce genre de démagogue. Mais revenons-en à notre propos initial. Le mois d'août, terre d'élection du blaireau en tongs, du randonneur en K-way fluo et du 2be3 en jet-ski, ne vaut pas grand chose niveau pêche. Si l'on y rajoute la sécheresse et l'invasion des cyanobactéries sur toutes nos petites rivières, il ne reste qu'une chose à faire (en dehors de profiter du séjour de ses voisins de palier à Palavas pour les cambrioler, bien sûr) et c'est d'initier les enfants à la pêche à la ligne là où reste un peu d'eau pas trop croupie.

Une simple canne au coup, quelques asticots, voire pour les plus dégourdis quelques leurres discount trompe-la-mort, suffisent à faire naître sur les traits juvéniles de nos joyeux hobbits l'esquisse d'un sourire de contentement qu'on leur croyait jusqu'ici impossible à arborer hors du contexte d'une victoire à Call of Duty,  de l'ouverture d'un paquet de bonbons acidulés plein de nanoparticules cancérigènes, voire de l'annonce inopinée de l'annulation du cours de maths en raison du décès accidentel du professeur tombé dans l'escalier à cause d'un savon noir mystérieusement oublié tout en haut des marches... Ah, l'innocence de l'enfance... Et si se contenter d'offrir, ne serait-ce que quelques heures de temps en temps, un peu de joie aux enfants avant qu'inexorablement Chronos ne les transforme au fil des années en des êtres falots, résignés au vote utile, coiffés comme des conseillers fiscaux, et même, dans certains cas extrêmes, capables d'écouter Alain Duhamel causer avec Arlette Chabot des projets enthousiasmants d'un centriste pyrénéen quelconque sans verser dans une somnolence discrète, ce n'était pas ça, finalement, être un adulte à peu près convenable ?

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