jeudi 31 août 2017

Au pays des algues bleues...

A mon humble avis, ce qui fait le plus de mal à la pêche de loisir française, ce n'est pas sa structure bureaucratique héritée de Vichy instituant l'indéboulonnable petit chef et hissant le clientélisme au rang des beaux-arts. Ce n'est pas non plus une réglementation encore plus incompréhensible que le fait de s'abonner au Vélodrome cette saison. Non, le fléau ultime, il n'est pas à poser son brochet sanguinolent sous les yeux en verre de la tête du sanglier empaillé trônant au dessus du percolateur d'un bistrot perdu, au sol semé de sciure, aux tables de formica ayant connu Dick Rivers avec une prostate tout en réclamant haut et fort une Suze, un Ricard ou tout autre apéritif pour homme des bois actif à l'ancienne... Les sept plaies d'Egypte incarnées en une seule entité toujours la gueule ouverte, c'est l'égo sur pattes en maillot lycra à logo, le "vendeur de rêves". Celui qui vous laisse entendre qu'il y a du  poisson partout, que vous ne savez juste pas le pêcher mais que lui, il sait. D'ailleurs si vous achetez le matériel de la marque dont il a le logo floqué sur la casquette, le tshirt et le slip aussi sans doute, vous finirez vous aussi certainement par empiler les brochets du mètre... Bon, en général, il oublie de préciser que 99% de ses brochets à lui, il les prend, détail troublant, en Suède ou en Espagne. A la limite dans l'étang de chasse de 20 hectares de Tonton Raoul. Alors que dans les rivières réduites à l'état de fossés nitratés dès la mi-juin, bizarrement, il ne casse pas des briques...
Mais la propagande a de l'audience. Ainsi, tous les ans, je croise la route de débutants farouchement résolus à pêcher "bigbait" pour faire du "gros fish" et qui s'étonnent sans détour de me voir, moi, fier baroudeur buriné ayant connu l'âge d'or du Rapala en balsa, pêcher en ultra-léger ces rivières à l'étiage. Les malheureux... Les Cagliostro du Blackminnow les ont vu venir de derrière leur comptoir. Grâce à ces champions de l'abus de faiblesse que sont les détaillants halieutiques du secteur et les Rocquencourt du publireportage, les petits naïfs ont lâché deux billets de cent pour avoir le droit de pêcher au One Up 5" chartreuse dans 50 centimètres d'eau translucide sur des secteurs accessibles du bord en tongs où, bien évidemment, le seul poisson-trophée qui y subsiste reste la perchette de 15up...

Il est vrai cependant que proférer de telles assertions d'un pessimisme assumé dans un monde qui a érigé le mensonge comme principal pilier de l'édifice social (même s'il porte désormais le nom moins stigmatisant et plus consensuel de "communication") peut vous facilement vous faire considérer par les esprits faibles (du genre capables de lire Gala ailleurs que dans la salle d'attente du dentiste) comme quelqu'un d'aigri en voulant au monde entier de ne pas avoir eu sa Rolex à quarante balais... Je vous laisse juge. Si vous trouvez normal que les rivières soient encore plus à sec que d'habitude, que chaque caillasse soit recouverte d'algues bleues dégueulasses, ne vous étonnez pas si cet hiver, au comptoir du magasin de pêche ou sur les forums de pêche, quand tout le monde se plaindra d'une saison pourrie, quelques olibrius rappliqueront en toute humilité pour vous expliquer que EUX, ils ont pris plein plein plein de poissons. Et cela, sans trucages^^, simplement grâce au matériel de leurs généreux sponsors, en se contentant de n'aller à la pêche que 12 heures par jour sans avoir ressenti le besoin de se taper plus de quelques milliers de kilomètres à brûler du gasoil car franchement, entre nous, ils vont pas s'abaisser à pêcher la bouillasse à côté des ploucs indigènes. Des fois qu'ils se ramassent une bredouille sous le regard chassieux d'un sans-grade et que ça se sache. Les gens jaseraient... La plèbe peut s'avérer mesquine parfois : de Louis XVI à Mussolini, il y a des précédents plein les manuels.

Mais, pour consternants qu'ils soient, nos hommes-sandwichs de chef-lieu de canton, au final, ne sont nuisibles qu'à la perception de la réalité par le plus grand nombre. C'est là le rôle du vedettariat (tout relatif que soit le concept dans une perspective halieutique franchouillarde...) : un peu de glamour sur beaucoup de cyanos... 
Bref, on a le public que l'on mérite. Et les pollutions dont on hérite. Passons donc le flambeau aux fameuses "générations futures" porteuses du non moins fameux (voire fumeux...) "changement de mentalités" dont nous bassinent les "demi-dieux" de la pêche moderne vue dans le journal depuis 15 ans. Au train où ça se dégrade, je ne sais pas ce qu'on va leur laisser aux moutards... En tout cas, à court terme, un peu moins d'ordures abandonnées sur les berges vu que j'en ai rempli un sac hier soir entre deux averses...

Pour en revenir au volet "Pêche" de ce blog pour atrabilaires misanthropes fétichistes de la perchette (qui semble un peu hypertrophié des récriminations cette saison), j'ai eu l'idée un tantinet saugrenue, pour ne pas écrire masochiste, de délaisser la Loire pour la Sèvre nantaise ; du bord de surcroît, ce qui, les autochtones en conviendront, n'est jamais la meilleure option. En effet, l'usage du float-tube n'est actuellement pas envisageable : la partie basse est recouverte d'algues qui puent et l'amont est si bas que même une paire de bottes semble par endroit bien superfétatoire...
Assez curieusement, contrairement aux dires du Team Pinocchio ou de n'importe quelle autre association de mythos, on y trouve point de brochets démesurés ou de bass taillés comme des tonneaux. Je peux d'autant plus l'affirmer que le niveau de la rivière permet de compter les poissons survivants... On m'aurait donc menti ?^^
Par contre, la perchette y est bien représentée. Ouf. J'ai eu un bref moment d'angoisse durant lequel j'étais à deux inches d'abandonner définitivement la pêche à la ligne pour me vouer corps & âme à un hobby plus constructif comme, par exemple, le sudoku, le curling ou l'optimisation fiscale !!! Mais je dois vieillir car même quelques dizaines de perchounettes ne me font pas passer la pilule devant le triste spectacle de ces amas d'algues...
Il va peut-être arriver un moment où même les plus obtus des pêcheurs à la ligne vont finir par subodorer (quelque part, au milieu des espaces désolés de leur boîte crânienne ; là où souffle sans trêve le blizzard de leur ignorance polissant tant bien que mal la banquise de leur fatuité) qu'en fait, ah ben dis-donc,  ça ne s'arrange pas pour nos milieux aquatiques. Heureusement toutefois que cela se déroule dans un silence proprement assourdissant. Il ne faudrait tout de même pas déranger un élu d'AAPPMA, un militant écologiste ou un syndicaliste agricole pendant leur sieste, ça ferait désordre.

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